mercredi 9 juillet 2008

Martin - George A. Romero

'Martin' de Romero, ou le miroir inversé de sa quinqualogie de l'horreur post-mortem. Ici, un jeune homme persuadé d'être un vampire endort ses victimes avant de leur couper les veines, de s'inonder de leur sang et de les laisser tranquillement mourir, vides. Recueilli par son vieux cousin, fou de Dieu aux tendances exorcistes, Martin se marre en découvrant les gousses d'ail accrochées aux portes ou le crucifix au-dessus de son lit. Il n'est pourtant pas question ici d'une nouvelle race de vampires modernes immunisés aux signes, mais seulement d'un adolescent dont les géniteurs fanatiques ont déterminé la nature bien avant sa naissance ; cet enfant-là serait la réincarnation de Nosferatu, né en 1892 et honte inavouable d'une famille pieuse.

S'opère donc un changement notable dans le modus operandi de Romero. Alors que dans 'La nuit des morts-vivants' et ses suites, l'horreur était la source métaphorique de la satire sociale, point de départ et non résultante, le schéma s'inverse avec 'Martin' puisque la supposée dimension fantastique, à laquelle on adhère a priori sans questionner, est ici la conséquence directe -et illusoire par ailleurs- de dérives sociétales toujours centrales. Martin passe donc du rang de monstre à celui de victime, victime d'une pathologie dont la source réside déjà, en substance, dans 'La nuit des morts-vivants'.

S'il peut parfois effleurer le traité théorique, au paroxysme dans ses deux dernières semi-bouses qui viennent s'ajouter à une trilogie pourtant aboutie, Romero s'en échappe très rapidement avec 'Martin'. Car en filigrane de la satire sociale toujours un peu succinte (qui s'en soucie ?), résident les germes d'un chef d'oeuvre en partie avorté. "That's just a costume", s'amuse Martin, déguisé en vampire avec cape noire et canines acérées, aux yeux de son cousin terrifié. "That' just a costume", progressive prise de conscience, magnifique friction entre un statut a priori inamovible et les pulsions de découverte propres à l'adolescence. Il aimerait également avoir des rapports sexuels poursuit-il, avec une femme éveillée, ni évanouie ni vidée de son sang. Romero confère à la fonction que l'on supposait rigide une certaine forme de liberté, une bouleversante autonomie qui ne peut que s'achever dans un sursaut, une dernière bombe posée aux pieds des siens. Martin, enfin adepte de la communauté mais de fait immédiatement paria, revêt définitivement les canines. Pour faire partie de la famille, je ne peux que sucer le sang de ses membres.

Autrement plus bandant qu'un discours sur le remontage et la multiplicité des sources...

mardi 1 juillet 2008

Supergrave (Superbad) - Greg Mottola

On veut du cul. Another teen movie », blabla, mais l'essentiel est bien là, on veut du cul et on s'en approche coûte que coûte avec 'Supergrave'. Le sexe occupe de par son absence une place primordiale dans le quotidien de Seth et Evan, deux jeunes puceaux invités à une soirée, s'ils parviennent à acheter de l'alcool. Pourquoi pas, militer pour la fraude, l'ivresse, du vomi dans les piscines et une pipe pourtant pudique. C'est ça. Vomir sur un visage l'innocence aux lèvres et ne pas supporter l'idée de faire l'amour autrement qu'en cachette. Fantasme du rapport sexuel donc, tellement idéalisé qu'il ne peut plus advenir autrement que dans le marasme, ou du moins dans la déconvenue. Seth et Evan toujours vierges, losers empêtrés dans la mélasse phallique entérinée par 'American Pie'.

Pivoter, glisser, saturer de beauté un modèle à peine né que l'on croyait déjà figé dans la glace. Ils hurlent leur infécondité, cette incapacité à entrer dans l'âge adulte autrement que par le biais de la déclaration d'amitié. Si le climax est un jour advenu dans un lit, mélange de sécrétions entre inconnus qui tentent de baiser un miroir, on ne parle ici que de duvets a priori étanches, si l'on excepte ces quelques mots, cette accolade entre deux adolescents saouls, encore trop interdépendants pour oser se livrer à la frontière qu'ils ont côtoyé, celle dont ils ont exploré les contours tout en redoutant ce qu'elle pouvait renfermer.

Seth et Evan vont s'éloigner, très bientôt ; toujours cette forme de cruelle nostalgie évolutive, déjà en filigrane, dont la douceur pointe à peine. Un escalator, une femme au bras et son coquard renversant, le visage d'un ami qui disparaît, futures réminiscences d'un âge doré qui s'est toujours ignoré.