S'opère donc un changement notable dans le modus operandi de Romero. Alors que dans 'La nuit des morts-vivants' et ses suites, l'horreur était la source métaphorique de la satire sociale, point de départ et non résultante, le schéma s'inverse avec 'Martin' puisque la supposée dimension fantastique, à laquelle on adhère a priori sans questionner, est ici la conséquence directe -et illusoire par ailleurs- de dérives sociétales toujours centrales. Martin passe donc du rang de monstre à celui de victime, victime d'une pathologie dont la source réside déjà, en substance, dans 'La nuit des morts-vivants'.
S'il peut parfois effleurer le traité théorique, au paroxysme dans ses deux dernières semi-bouses qui viennent s'ajouter à une trilogie pourtant aboutie, Romero s'en échappe très rapidement avec 'Martin'. Car en filigrane de la satire sociale toujours un peu succinte (qui s'en soucie ?), résident les germes d'un chef d'oeuvre en partie avorté. "That's just a costume", s'amuse Martin, déguisé en vampire avec cape noire et canines acérées, aux yeux de son cousin terrifié. "That' just a costume", progressive prise de conscience, magnifique friction entre un statut a priori inamovible et les pulsions de découverte propres à l'adolescence. Il aimerait également avoir des rapports sexuels poursuit-il, avec une femme éveillée, ni évanouie ni vidée de son sang. Romero confère à la fonction que l'on supposait rigide une certaine forme de liberté, une bouleversante autonomie qui ne peut que s'achever dans un sursaut, une dernière bombe posée aux pieds des siens. Martin, enfin adepte de la communauté mais de fait immédiatement paria, revêt définitivement les canines. Pour faire partie de la famille, je ne peux que sucer le sang de ses membres.
Autrement plus bandant qu'un discours sur le remontage et la multiplicité des sources...