jeudi 19 juin 2008

Phénomènes (The Happening) - M. Night Shyamalan


Shyamalan esquisse certaines thématiques qui me semblent fondamentales, constamment, en filigrane, et sans jamais verser dans le dogmatisme. C'est ce qui est grand ici, des voies sont à peine entrevues qu'elles se trouvent obstruées par le champ des possibles. Wahlberg ne dit pas autre chose, les explications scientifiques ou du moins rationnelles ne sont qu'hypothèses, contrecarrées par l'imprévisible.

L'imprévisibilité c'est le centre, l'essence. Un vulgaire ventilateur balaie quelques parcs et l'on édicte sa nocivité, un botaniste évoque la conscience des plantes et l'on s'en méfie, un leader charismatique suppose à force de formules mathématiques que le phénomène ne touche que les groupes élargis et l'on s'y accroche les yeux fermés. Certains se plaignent parce que Shyamalan détruit son objet, c'est fâcheux ; Shyamalan ne détruit que certaines certitudes qui vont à l'encontre de sa démarche, élargit plutôt qu'il ne restreint aux codes. Si Wahlberg parle à une plante qui s'avère être en plastique c'est donc certes un aveu de mcguffin mais également bien plus qu'un gadget ; peut-être la prise de conscience que ce fameux Model Home doit être questionné, non pas catalogué mais remis en perspective, disséqué.

On aboutit forcément aux frictions et décalages qui subsistent entre un environnement donné, et celui modelé pour que l'on puisse s'y accomplir. C'est évidemment central, la notion d'ostracisme. Pour être en phase avec la nature, au sens générique, il faut dynamiter les groupes élargis, se rapprocher des siens et privilégier les intérêts de micro-sociétés aux dépends du sort de la collectivité. C'est tout du moins ce qui apparaît selon la théorie de Wahlberg pour survivre au sein d'un monde qui a décidé de se passer de l'espèce humaine, passer par la fuite, l'ostracisme, etc.

On connaît la formule et si je parle d'imprévisibilité, de thématiques dont l'approfondissement, voire même les potentielles résolutions sont à peine esquissés qu'on les voit s'étouffer, c'est précisément parce que Shyamalan détruit dans la seconde partie du film tout ce que le personnage principal a bâti dans la première ; et végète de fait, indéfiniment c'est fascinant, au stade du questionnement. Car l'ostracisme apeuré aboutit à la destruction automatique de tout ce qui tente de percer la bulle, tandis que l'ostracisme misanthrope tend vers l'obscurantisme.

Après le suicide de la vieille femme, morte seule c'est évident, magnifique scène de retrouvailles au milieu du vent. Peu importe la taille du groupe, c'est finalement sa cohésion qui importe.

2 commentaires:

?! a dit…

Hey c'est GiJu !

Je crois que tu as touché juste sur Phénomènes.
A mes yeux, c'est un grand film sur le doute. Celui des spectateurs sur le film, celui d'un film sur lui-même. La scène-pivot de la maison-fake condense tout notre rapport au film. "All is fake", mais on y croit/mais on regarde. Film après film, c'est comme si Shy testait notre résistance à la fiction, à ses délires, à ses limites. Finalement, c'est un véritable dialogue à trois qui s'instaure entre le spectateur, l'artiste et l'oeuvre, chacun apportant sa pierre à l'édifice. Soit la définition exacte de "The Happening".

'33 a dit…

idem